🇰🇷 K-Pop : Quand les fans prennent le pouvoir
Vous vous souvenez de « Gangnam Style » de PSY ? Nous sommes en 2012 lorsque la chanson parodique et sa chorégraphie saugrenue déferlent sur la planète. Dix ans plus tard, force est de constater que le tube au refrain entêtant a marqué son temps et l’industrie musicale. Son clip restera célèbre pour avoir été la première vidéo de l'histoire à atteindre le seuil symbolique du milliard de vues sur YouTube. Au-delà des détournements sans fin, avec ce buzz, PSY a ouvert la brèche aux autres artistes de K-Pop et modifié l’influence des plateformes de streaming dans l’industrie musicale. Et dès lors la K-Pop va faire d’internet son terrain de jeu.
Un jeu avec des règles bien établies : un groupe de garçons ou de filles ultra-lookés, des refrains qui restent dans la tête, des clips léchés et des chorégraphies calibrées, mais aussi une bonne communication et une communauté de fans – les initiés disent « fandom » – ultra-connectée. Si la genèse de la K-Pop telle qu’on la connaît aujourd’hui remonte aux années 90, c’est bien avec l’avènement des réseaux sociaux et grâce à l’hyperactivité des fans que le phénomène a fait une entrée fracassante dans le paysage musical mondial.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 7,8 milliards : c’est le nombre de tweets postés en 2021 sur Twitter à propos de la K-Pop. Le girls-band le plus populaire, BLACKPINK, cumule à lui seul près de 51 millions d’abonnés sur Instagram et pas moins de 83 millions sur YouTube tandis que son homologue masculin, BTS, en rassemble plus de 69 millions sur Instagram et 3 millions de plus sur YouTube. La présence en ligne de ces communautés aussi actives que nombreuses pèse lourd dans la mise en lumière et le succès de leurs idoles, jusqu’à devenir le symbole d’une génération.
Les ambassadeurs de la « stan culture »
L’expression « stan culture » est née au début des années 2000, inspirée de la chanson éponyme d'Eminem. qui raconte la descente aux enfers d'un fan, prénommé Stan, obsédé par le rappeur américain. Entré depuis dans le dictionnaire anglais, « to stan » désigne d'une façon plus large le fait d’admirer et de soutenir de manière inconditionnelle une personnalité célèbre au point de vouloir en faire largement la promotion autour de soi. La ferveur des fans de K-Pop sur les réseaux sociaux est ainsi devenu un exemple emblématique de « stan culture ».
Car, si tout fan digne de ce nom se doit de brandir le lighstick (bâton lumineux) aux couleurs de son groupe favori lors de chaque concert (chaque groupe a le sien) et de collectionner disques et objets collector, c’est bien sur Internet que s’exerce la véritable « stan culture » des fans de K-Pop.
En effet, les ARMY (fandom de BTS) ou autres BLINK (fandom de BLACKPINK), pour ne citer qu’eux, construisent de véritables stratégies pour promouvoir leurs idoles loin des médias traditionnels, en créant notamment leurs propres hashtags sur les réseaux sociaux. Aussi, ils vont jusqu’à se fixer des objectifs chiffrés de nombre de streams sur YouTube ou Spotify, au point que leurs défis quotidiens s’apparentent à de véritables entraînements sportifs. L’objectif est simple : battre tous les records de visionnage pour contribuer à la popularité de leurs artistes préférés. Dernière prouesse en date : en août 2022, la chaîne YouTube de BLACKPINK devient la plus visionnée de l’histoire en cumulant plus de 25,7 milliards de vues.
Une mobilisation virtuelle à l’influence bien réelle
Ce n’est pas un hasard si les groupes de K-Pop raflent bon nombre de prix musicaux ces dernières années. Si leur talent et leur succès sont indéniables, c’est aussi le résultat de l’engagement dévoué de leurs supporters. Le moins que l’on puisse dire est que les fandoms ont élevé l’intelligence collective et la force du groupe au rang d’art de vivre ! Preuve en est, le record atteint en 2017 par les quelques 300 millions de votes qui ont valu à BTS d’être lauréat du Top Social Artist des Billboard Music Awards américains – trophée que le groupe raflera à nouveau les quatre années suivantes.
Le dévouement du fandom K-pop peut être assez fascinant et s’incarne là où on ne l’attend pas, avec des conséquences quelquefois surprenantes ! Il n'est pas rare, par exemple, de rencontrer dans le métro de Séoul des publicités achetées par des fans célébrant l’anniversaire ou les débuts de leurs idoles. De la même manière, en Thaïlande, les tuk tuks de Bangkok sont régulièrement parés de bannières à l’effigie de groupes de K-Pop, à la pure initiative des fans, qui offrent par la même occasion une nouvelle source de revenus aux conducteurs.
En août 2021, c’est la maison d’édition sud-coréenne, Hyohyung Books, qui s’est vue devenir à sa grande surprise l’heureuse bénéficiaire de l’effet fandom. Tout est parti d’une anodine photo postée sur le compte Instagram de RM, leader de BTS, où apparaît au coin d’une table un livre intitulé « Mort Précoce ». Cet ouvrage, tombé dans l’oubli, était épuisé depuis dix ans lorsque Hyohyung Books a vu affluer devant son siège des centaines de fans à la recherche d’un précieux exemplaire. Réédité dans la foulée, « Mort Précoce » a vu ses ventes exploser au point de devenir le temps de quelques semaines le livre d’art le plus vendu en Corée du Sud.
Ces quelques exemples peuvent sembler anecdotiques mais ils témoignent en réalité du pouvoir d’influence considérable des fans de K-Pop qui s’étend aujourd’hui au-delà des simples considérations musicales. Connaissant leurs rouages sur le bout des doigts, les fandoms règnent sur Internet et les réseaux sociaux d’une main de maître et les utilisent de plus en plus pour s’emparer de sujets sociétaux.
La preuve par 5 de cette mobilisation des fans de K-Pop dans un prochain article à venir ! Stay Tuned...