🎸5 raisons pour lesquelles les Greta Van Fleet marquent le rock

« Rock n’roll is dead » chantait Lenny Kravitz il y a bientôt 30 ans. À l’heure où les Rolling Stones s’apprêtent à sortir un 24e album studio, on peut dire que le constat était prématuré. Mais le genre musical de Chuck Berry et Elvis Presley ne repose plus sur les seules épaules des géants du siècle dernier : en concert à Paris le 9 novembre prochain, les Américains de Greta Van Fleet honorent la tradition tout en y apportant un cachet d’aujourd’hui.

Dans la lignée des grandes familles de rockeurs

 

Des harmonies éthérées des Beach Boys aux riffs enfiévrés d’AC/DC. De la fidélité d’un demi-siècle qui porta les Van Halen à Johnny Van Zant, succédant à son frère décédé au micro de Lynrd Skynrd. De la rivalité feutrée des fondateurs de Dire Straits aux relations orageuses qui firent la renommée d’Oasis. L’histoire du rock n’roll se confond souvent avec des affaires de famille. Telle est l’origine de Greta Van Fleet, groupe fondé en 2012, dans une bourgade de 5000 âmes nichée au cœur du Michigan par les jumeaux Josh et Jake Kiska, leur cadet Sam et le batteur Kyle Hauck. 

Photographe : Alysse Gafkjen
Photographe : Alysse Gafkjen

C’est à force de répéter avec ce dernier dans le garage de la demeure familiale que Jake, le guitariste et visionnaire du groupe, convainquit ses frères de les rejoindre. La « Gretna » Van Fleet dont le nom inspira celui du groupe n’est pas liée au clan Kiska : habitant elle aussi à Frankenmuth, elle donna sa bénédiction à son utilisation… sans être spécialement amatrice de rock n’roll. Onze ans plus tard, les trois frangins sont toujours de l’aventure, tandis que leur ami Danny Wagner a remplacé Kyle Hauck à la batterie.

 

 

Héritiers de Led Zeppelin

Alors que le hard rock gorgé de blues de Led Zeppelin inspira quantité de formations, peu ont été aussi régulièrement comparées au mythique quatuor londonien que Greta Von Fleet. C’est tout autant le résultat d’un processus créatif très réfléchi que le fait du hasard. Si Jake a étudié le jeu de quantité de guitaristes légendaires, tel Pete Townshend, John Lee Hooker ou Keith Richards, il a révélé avoir consacré une année entière à décortiquer le travail de Jimmy Page, « jusqu’à savoir littéralement comment il pensait. » De son côté, Josh reconnaît l’influence de Robert Plant sur son style vocal ; il le considère d’ailleurs comme « le plus grand chanteur de rock de tous les temps », mais affirme n’avoir jamais eu l’intention de lui ressembler. 

 

 

“Le beau petit chanteur”

Le chanteur de Greta Van Fleet n’a d’ailleurs découvert Led Zeppelin qu’au lycée ; c’est pour réussir à se faire entendre du reste du groupe qu’il dit avoir décidé de muscler son chant ! Connu pour avoir la dent dure à l’égard de ses successeurs, Robert Plant a pourtant adoubé le « beau petit chanteur » qu’est d’après lui Josh Kiska. « Je le déteste ! » ajouta pour rire le désormais septuagénaire du gamin en âge d’être son petit-fils. Quant au groupe lui-même, il rappelait à Plant en 2018 le Led Zeppelin du premier album, sorti cinq décennies plus tôt. On imagine des comparaisons moins flatteuses.

 

 

Au-delà de « Led Zep », un melting pot d’influences mythiques

Très présent chez Led Zeppelin, le blues est bien ce qui fédère les membres de Greta Van Fleet. Chacun apporte cependant une pierre bien particulière à l’édifice. Jake Kiska est le plus versé des quatre dans le rock n’roll pur et dur, même s’il évoque le temps passé par sa fratrie à s’imprégner des vinyles de blues et de folk de leurs parents. Sam, qui assure les parties de basse et de clavier, avoue une prédilection pour le jazz ; il voue un culte au bassiste de studio de la Motown James Jamerson. « Nous n’avons pas décidé d’être un groupe de rock » a-t-il confié en interview, « c’est juste le son qu’on obtient en jouant ensemble. » C’est d’ailleurs à quatre qu’ils composent leurs morceaux dès que l’un d’entre eux propose une idée. Danny Wagner se dit surtout inspiré par le folk, même s’il faut aller chercher côté hard rock avec John Bonham (Led Zeppelin), Carmine Appice (Cactus et Vanilla Fudge) ou Michel Schrieve (Santana) pour trouver ses principaux modèles revendiqués. D’après lui, la plupart des chansons de Greta Van Fleet sont composées sur une base de folk avant d’être arrangées. 


Si Robert Plant est une inspiration inconsciente de Josh, celui-ci avoue avoir travaillé sur scène les attitudes et la gestuelle de Joe Cocker. Ajoutons que la structure atypique de certains titres de Greta Van Fleet évoque le style de Rush, légendes du rock progressif canadien, et que le guitariste Robby Krieger des Doors estime qu’ils font partie de leurs héritiers. Un tel luxe d’influences leur vaut une discographie très diverse, forte à ce jour de trois albums studio et deux mini albums, et un style unique sur scène. 

 

 

Photographe : Neil Krug
Photographe : Neil Krug

Un sens inné de la performance live

L’énergie si particulière déployée par Greta Van Fleet, acquise pendant six premières années d’existence à se faire connaître comme groupe de clubs, leur valut d’être repérés par la chaîne câblée Showtime avant même la sortie de leur premier single « Highway tune » ; ce dernier fut ainsi utilisé dans la série Shameless dans une version live en accompagnement d’une scène de sexe… Le 4 mars 2018, Elton John en personne les invita à la soirée annuelle de sa fondation de lutte contre le SIDA, au cours de laquelle il se joignit au quatuor pour interpréter un morceau de son répertoire puis un du leur, « Saturday Night’s Alright for Fighting » et « You’re the One». 

 

 

Elton John & Jake Kiszka
Elton John & Jake Kiszka

Dans la foulée de leur performance, le « Rocket Man » leur recommanda d’accentuer leur théâtralité sur scène ainsi que la flamboyance de leurs tenues, des conseils que le groupe s’empressa de mettre en pratique. Plus tard dans l’année, les Greta Van Fleet furent invités à interpréter « When the curtain falls », single inédit de leur premier album studio « Anthem of the Peaceful Army » à paraître quatre mois plus tard, sur le plateau du Tonight Show de Jimmy Fallon. L’année suivante, c’est au très culte Saturday Night Live que le groupe joua « Black Smoke Rising » ainsi que You’re the One ». On le devine à ces passages dans des shows de référence aux yeux du public américain : Greta Van Fleet aura mis peu de temps à figurer parmi les valeurs sûres du rock live made in USA.

 

À la conquête de la scène rock américaine

Dire que les débuts commerciaux de Greta Van Fleet furent un succès est un euphémisme : leur premier single « Highway tune » demeura quatre semaines à la première place des classements « Mainstream Rock » et « Active Rock » du Billboard, actant sa popularité sur les radios américaines et canadiennes. En 2017, leur second mini album « From the Fires », comprenant notamment une reprise de « A change is gonna come » de Sam Cooke, leur vaudra la consécration d’un Grammy Award dans la catégorie « Meilleur album de rock ». Le terrain était idéalement préparé pour « Anthem of the Peaceful Army », et cet album signé sous le label Republic entra en tête des classements « Rock » et « Hard Rock » du Billboard tandis que « When the curtain falls » connu le même destin côté singles. 

 

 

 

Devenu rare de la part d’un label majeur, le pari de mettre des moyens sur un premier album studio s’avérait payant. Comme leur prédécesseur, les deuxième et troisième albums studio de Greta Van Fleet intitulés « The Battle at Garden’s Gate » et « Starcatcher » atteindront le top 10 Billboard 200, classement tous genres confondus. Notons que les lecteurs de Total Guitar Magazine ont élu « plus grand solo du XXIe siècle » celui de « The Weight of Dreams », qui clôt le deuxième opus. De son côté, le mensuel de référence Kerrang! salua la prise de risque de « Starcatcher », un album plus dépouillé sorti en juillet dernier et s’engageant dans une voie « évocatrice et provocante ». Riche de références intemporelles tout en développant une personnalité unique, le hard rock de Greta Van Fleet est prêt à enflammer le public parisien.